Sous le regard des deux Jeanne
A la croisée des chemins entre deux congrégations : « Un établissement sous le regard des deux Jeanne »
Nous sommes au début du XXe siècle, en France, en 1905 : la loi de séparation de l’Eglise et de l’Etat est votée. Les religieux sont chassés de l’enseignement, alors que l’enseignement public se développe et que les jeunes filles commencent à accéder aux études secondaires et universitaires. Le décalage entre la formation humaine et la formation chrétienne s’accentue.
Consciente du déséquilibre d’une telle situation, et pour tenter d’y remédier, Jane Rousset, jeune professeur à Lyon, sous l’influence du Père François Giraud (S. J) et avec quelques amies profondément chrétiennes, ouvre une école à Lyon le 18 octobre 1915. Parmi ses amies figurait Mme Chevreul de Champ, qui aida à financer ce projet grâce à l’héritage de son grand-père chimiste, Michel-Eugène Chevreul.
Un « lycée libre » (comme elles le disaient), dont le nom de « Chevreul » convenait pour désigner la nouvelle Ecole qui assurerait aux jeunes filles une formation solide, vigoureuse, leur permettant d’accueillir sans peur la culture de leur temps et les exigences de l’Evangile. Ce fut là l’inspiration d’origine des Ecoles Chevreul. Le petit groupe du début deviendra discrètement une congrégation religieuse de spiritualité ignatienne : la Société de Jésus Christ.
Ayant l’intuition que la femme est appelée à prendre sa vraie place dans le monde, Jane Rousset et ses amies veulent former des femmes « ouvertes et cultivées », capables de réfléchir et de choisir, insistant sur le travail bien fait, et le consentement à l’effort qui incluait alors formation générale et ménagère, le sens des autres et la formation chrétienne. Des femmes capables de s’engager et d’en former d’autres.
« … cette éducation seule aura quelque efficacité, qui sera appropriée au milieu social en parfaite concordance avec les besoins du temps ». Jane Rousset
Aussi au fil des années a-t-on assisté à l’évolution constante des modalités de la formation catéchétique, à l’initiation systématique aux disciplines nouvelles, du cinéma à l’informatique, à la suppression de l’uniforme, à l’introduction de la mixité …
Toutes ces réalités , fruits d’une réflexion permanente et délibérée sur les conditions de l’acte éducatif, font que la tradition demeure vivante et devient source de vie.
L’Ecole Chevreul de Lyon exerce une influence effective sur les générations qui s’y succèdent, sa vitalité donnera naissance à d’autres établissements dont Chevreul Marseille, pour assurer une large présence au monde, dans une visée éducative et un souci d’adaptation. Pour un récit détaillé de la naissance de Chevreul Marseille, rendez-vous à l’article « Souvenirs d’anciennes » (1934-1950).
Dans cette perspective, en 1986, l’UGEC (union générale des Ecoles Chevreul) prend naissance, s’efforçant de promouvoir au cœur de chaque établissement l’esprit qui, dès sa fondation, a mobilisé les éducateurs pour le service des jeunes selon une ligne d’action bien déterminée en vue de l’éducation intégrale de la personne.
En 2003, la Congrégation, qui voit ses ressources humaines prendre de l’âge et ainsi s’ affaiblir, prendra un tournant courageux en demandant la fusion avec la Compagnie de Marie Notre-Dame. (page Wikipédia / site Internet). Cette Compagnie a été fondée par Sainte Jeanne de Lestonnac, femme du XVIIe siècle qui a vécu plusieurs vocations : épouse, mère, éducatrice, veuve, contemplative, et fondatrice de la congrégation de religieuses apostoliques de spiritualité ignatienne.
Elle voit un grand nombre de jeunes sur le point de tomber dans l’abîme, et elle comprend que c’est elle qui doit leur tendre la main. Elle a alors l’ intuition d’une Mission éducative et non d’une Mission d’ assistance ou de bienfaisance. Il s’ agit d’une tâche de veilleur qui aidera les jeunes à devenir des personnes capables de sortir par eux-mêmes de la « nuit des erreurs ». Son projet éducatif parle de réceptivité, de capacité à se laisser imprégner par la différence, de capacité à recueillir les nombreux apports du temps et de les transposer dans le domaine éducatif, d’ apprécier « les choses pour choisir ensuite ».
Ainsi, Chevreul Blancarde est aujourd’hui à la croisée de deux rencontres, deux désirs, deux soucis pour une même fin : celle de former des jeunes (filles au départ mais aujourd’hui également des garçons), pour qu’ ils aient une place dans la société par une éducation bien spécifique : une éducation intégrale, une éducation de toute la personne, avec le souci du travail bien fait, du sens l’ effort, du « faire davantage » (le MAGIS) en vue de former des jeunes, capables de réfléchir et de choisir, capables de s’ engager, d’ en former d’autres, avec pour objectif de se mettre au service.